C’est en lisant Raisons obscures d’ANTOINE Amélie que de mauvais souvenirs sont remontés à la surface. Je pense que je les avais enfouis au plus profond de moi pour me protéger. La psyché humaine est fascinante…
Je vais parler d’un sujet sérieux : le harcèlement scolaire. Un sujet encore méconnu voire tabou quand j’ai quitté le lycée à la fin des années 2000. Je tenais à écrire cet article car il y a très peu de témoignages sur les blogs ou sur Youtube même si les langues commencent à se délier. Toutefois, je tiens à préciser que je ne vais parler que de mon expérience concernant le harcèlement scolaire. Ce n’est donc qu’un témoignage parmi tant d’autres. Il ne faut pas y voir de vérités générales car chaque situation est unique.
Qu’est-ce que le harcèlement scolaire ?
Définition du harcèlement scolaire :
On parle de harcèlement scolaire quand un élève subit une violence répétée et continue sur une longue période.
Les caractéristiques du harcèlement scolaire :
Le harcèlement scolaire commence très souvent par la perception d’une « différence » chez un élève qui peut s’exprimer entre autres par :
- L’apparence physique (poids, taille, origine…)
- Le sexe, l’identité de genre et l’orientation sexuelle
- Un handicap (mental, physique…)
- Un trouble de la communication (bégaiement, zozotement…)
- Des centres d’intérêts différents
Dès lors, quand l’intention de nuire est présent, un rapport de domination va avoir lieu. Une dynamique au sein de la classe ou de l’école va alors se mettre en place. Le(s) harceleur(s) vont isoler leur victime pour pouvoir la harceler. Ces harceleurs peuvent être aidés de supporters (assistent le(s) harceleur(s) mais ne sont pas meneurs). Il y a très souvent des outsiders (les témoins silencieux qui ne prennent part à ces actes et qui ne disent rien), et parfois, des défenseurs (soutiennent la victime).
Les harceleurs vont utiliser différentes formes de violence :
- La violence verbale : insultes, moqueries…
- La violence non verbale : gestes déplacés, grimaces…
- La violence psychologique : rumeurs, isolement…
- La violence physique : coups, menaces…
- La violence d’appropriation : vol, racket…
- La violence sexuelle : attouchements…
- La cyber violence : insultes sur Internet, par téléphone…
À l’heure actuelle, on estime qu’environ un élève sur 10 est victime de harcèlement scolaire, soit 700 000 élèves par an. Le harcèlement scolaire induit de graves répercussions aussi bien chez les victimes que chez les harceleurs.
Chez les harcelés, au niveau scolaire, leurs notes peuvent chuter et ils peuvent recourir à l’absentéisme pour fuir la situation. Ils peuvent aussi souffrir entre autres de troubles psychologiques/psychiques (dépression, anxiété, tentatives de suicide…), psychosomatiques, du comportement et de la socialisation qui peuvent perdurer à l’âge adulte.
Concernant les harceleurs, leurs failles narcissiques expliquent leurs comportements violents. Le maintien du harcèlement peut augmenter leur manque d’empathie, les marginaliser, les rendre dépendants à la violence… Sur le long terme et une fois adulte, ils peuvent entrer dans la délinquance, développer des troubles sociaux et entrer en dépression.
Concernant les spectateurs, ils peuvent ressentir un sentiment de lâcheté et de culpabilité. Et certains peuvent même changer de rôle en devenant à leur tour harceleurs afin d’éviter d’être harcelé.
Sortir du harcèlement scolaire :
En temps normal, les adultes doivent faire en sorte de créer un climat sain au sein de l’établissement scolaire. Et pour ce faire, ils sont censés voir les petites choses nuisibles au bien-être des élèves. Toutefois, il se peut qu’ils ne voient pas tous les détails. Dans ces cas-là, il ne faut pas avoir honte d’en parler à un adulte (professeurs, surveillants…) afin que le personnel puisse prendre le harcèlement scolaire en charge. Ils sont censés résoudre le problème !
En parler aux parents peut être très utile. Vos parents sont censés vous protéger et vous chérir. Donc, ils peuvent parler de ce problème à votre place dans votre école. Et si rien ne bouge, il ne faut pas hésiter à porter plainte contre les harceleurs.
Il est toujours possible de parler directement à ses harceleurs du mal créé par leur agissement. Mais pour qu’ils vous entendent, ils doivent être ouverts à la discussion. S’ils vous font subir tout cela, il y a très peu de chance qu’ils le soient… Donc, cette solution n’est vraiment pas à privilégier hormis si vous trouvez une bonne amorce…
Mon témoignage sur le harcèlement scolaire
J’ai l’habitude d’écrire rapidement et facilement les articles du blog. Mais là, je crois que c’est vraiment l‘article où j’ai un gros blocage… Non pas parce que je mets à nu certains pans de ma vie pour la première fois sur ce site. Mais plus parce que je me sens très peu légitime d’aborder le sujet. Pourtant, en parlant avec une amie institutrice, elle m’a dit clairement dit que c’était bel et bien du harcèlement scolaire et que j’étais tout en droit d’écrire un article à ce sujet. Alors, je vais l’écouter (pour une fois !) car elle m’a dit que cela pourrait servir à quelqu’un.
Enfance
J’ai eu une enfance des plus banales. Je suis issu d’une famille très modeste où parfois des problèmes d’argent pouvaient se sentir. Mais mes parents étaient ingénieux et appliquaient le système D pour joindre les deux bouts. Ce qui fait que je ne manquais de rien. Je n’avais certes pas les meilleures fringues, mais je n’ai jamais senti un manque matériel.
La maternelle et la primaire se sont déroulées sans accroc malgré ma timidité maladive. J’aurais pu être embêté par mes camarades pour mon mutisme mais, au contraire, on me respectait car j’avais d’excellentes notes. Personne ne profitait de moi.
Adolescence
Collège :
Cela s’est beaucoup plus corsé au collège. Je n’ai pas rencontré de véritables problèmes en 6ème et en 5ème. On est encore dans l’enfance, dans l’innocence…
À partir de la 4ème, là, tout a basculé. Un groupe de jeunes filles ont commencé à s’acharner sur moi. C’était les meneuses de mon harcèlement scolaire. Elles me reprochaient ces trois choses :
- D’être né laid : il était donc dans leur devoir de me punir car la loi devrait interdire les gens au physique ingrat comme moi d’exister. Je n’ai fait que reprendre leur propos…
- D’être timide : j’avais du mal à m’exprimer et à parler aux gens. J’étais donc une proie facile.
- De faire partie des premiers de la classe : cela les énervait de me voir rafler pratiquement la meilleure note sans bouger le petit doigt.
Leur harcèlement scolaire était très bien mené, tellement que les profs n’avaient rien vu ! Elles étaient plutôt normales en cours, parfois un peu rebelles, mais ça s’arrêtait là. Mais quand les profs avaient le dos tourné ou quand elles parlaient en classe en chuchotant, je pouvais les entendre parler derrière mon dos. Elles me traitaient de « merde », de « trisomique », et de « pédale », car oui, le raccourci est facile : garçon timide = homosexuel. Ces filles m’ont suivi pendant deux ans. Jamais elles ne se sont lassées. Surtout que le jeu était de me pourrir la vie pour me pousser au… suicide !!!
Il y avait très peu de suiveurs. Mais d’autres personnes en profitaient pour se moquer ponctuellement de moi. Toujours pour me reprocher les mêmes choses : ma laideur, ma timidité et mes notes. On m’insultait, on se moquait de moi tous les jours. Dans les vestiaires en EPS, un garçon s’amusait à mimer des gestes de fellation et de sodomie avec moi à chaque cours de sport sous le rire gras de nos camarades. Mais ce garçon est pardonné car il s’est excusé pour ensuite me protéger.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces filles, les meneuses, avaient pour caractéristique d’être très mal dans leur peau. Elles étaient très up and down psychologiquement, ce qui fait qu’elles pouvaient basculer de l’hilarité à la tristesse en quelques instants. Je les ai vues parfois pleurer secrètement à chaudes larmes. Je les ai trouvées alors pathétiques. Elles avaient besoin d’évacuer leur mal-être en me faisant du mal. Elles ne s’en cachaient d’ailleurs pas, disant ouvertement que pour qu’elles aillent mieux, il fallait qu’elles rient de moi. Elles m’ont fait plus de la peine qu’autre chose.
De ce fait, je n’ai pas réellement mal vécu ce harcèlement quotidien au collège. D’une part, parce que mes profs m’encensaient, au plus grand dam de la plupart de mes camarades. Une a clairement dit que je deviendrai écrivain (malheureusement pour elle, mes livres ne se vendent pas…), ce qui a fait rager toute la classe. D’autre part, parce que j’avais le soutien de quelques camarades. Aussi, leurs insultes glissaient en moi car je savais que j’avais une certaine valeur. Ma stoïcité au quotidien les perturbait tous, même les profs car ils ne savaient pas ce que je ressentais.
Concernant mon physique, je ne me trouvais pas laid, ce qui fait que leurs insultes ne prenaient pas sur moi. Je savais d’ailleurs jouer de mes charmes. Des garçons et des filles sont d’ailleurs tombés amoureux de moi. Chose qui laissait incrédules mes harceleuses car à leurs yeux, je n’avais aucune qualité.
Cependant, par moments, j’en avais marre. Ce qui faisait que je séchais un peu trop régulièrement pour éviter de me confronter à mes camarades. J’interceptais les lettres pour éviter que mes parents ne soient au courant de mes absences. C’était mes instants de répit.
Lycée :
Ensuite, est venu le lycée. Par chance, beaucoup ont changé d’établissement. Toutefois, mon intégration dans ma classe de 2nde fut… catastrophique ! On me reprochait encore une fois ma timidité, d’être laid et cette fois-ci, d’être con. J’étais encore plus mal dans ma peau et tout recroquevillé sur moi. J’étais la victime idéale.
Mais au lycée, c’était plus mesquin car on répandait des rumeurs à mon sujet dans les couloirs. Je « puais » (on ne se gênait pas de faire des gestes déplacés quand je m’asseyais à côté de quelqu’un), « je faisais des vidéos pornos », « je suçais pour quelques euros » et j’en passe… Comme au collège, ce n’était que moral mais c’était encore une fois quotidien. Sauf que là, je n’avais vraiment pas d’amis dans la classe. Je séchais encore plus les cours qu’au collège car je ne me sentais vraiment pas à ma place cette année-là.
Cette année de seconde fut éprouvante car mes profs de français et d’histoire-géo se sont également mises à me faire des commentaires désobligeants. Elles avaient aussi une attitude déplacée. Elles me regardaient parfois longuement puis riaient car elles me trouvaient « pathétiques ». Elles ne l’ont pas dit explicitement, mais j’étais insignifiant à leurs yeux. Il suffisait juste de voir comment elles me parlaient ou me regardaient pour comprendre… Ces deux profs étaient non professionnelles. Elles faisaient très peu de contrôles (pour éviter de les corriger), ne s’intéressaient pas aux élèves. On sentait qu’elles n’avaient aucun entrain à enseigner. Je crois que j’étais un prétexte pour exprimer leur mal-être car je ne savais pas me défendre.
L’année de 1ère et de Terminale furent normales. Enfin ! C’était pratiquement la même classe avec les mêmes élèves pour ces deux années. Un tiers se moquait de moi ouvertement (mais pas tout le temps), le 2ème tiers se moquait de moi mais ne l’exprimait pas, et je m’entendais bien avec le dernier tiers. Une de mes harceleuses au collège était avec moi. Elle ne pouvait toujours pas me piffer, et je pense qu’elle aurait encore pu me harceler mais la mayonnaise n’a jamais pris. Heureusement pour moi ! Mais il y a une explication à cela : environ 7-8 personnes étaient amoureuses de moi (garçon comme fille) dans tout le lycée. Du coup, elle risquait de se mettre à dos une grande partie du bahut.
Années étudiantes
Université :
À l’université, je ne pense pas qu’on puisse parler de harcèlement scolaire mais mes camarades de promo m’ont fait pas mal de crasses récurrentes… Je pensais vraiment me retrouver dans un univers plus « mature » à la fac, mais ce n’était pas le cas. Je n’étais pas surpris car je ne connaissais que trop bien la nature humaine après toutes ces années de galère.
Au départ, les gens de mon groupe de TD et de TP me trouvaient plutôt sympathiques. Après tout, j’étais un pauvre étudiant-salarié qui trimait pour payer le loyer et le permis de conduire en travaillant 30h par semaine dans un boulot mal payé. Je n’étais donc pas dangereux car on n’avait rien à m’envier. À leurs yeux, je n’étais pas un rival redoutable concernant l’obtention d’une place dans une école d’ingénieur. Sauf que quand les résultats du premier semestre sont tombés, mes camarades de promo qui s’attendaient à voir des notes catastrophiques en lisant ma fiche (la fac affichait publiquement les notes de tout le monde avec nos noms dessus) sont tombés des nues. Je faisais partie des premiers de la promo ! J’ai senti certains regards incrédules concernant mes performances. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Comment moi, le pauvre petit étudiant-salarié, j’ai pu faire pour les battre ? Surtout que je ne venais pratiquement jamais en cours vu que je travaillais à côté…
Je peux vous dire que certains n’ont plus eu le même comportement à mon égard. Certains m’ont pris plus au sérieux. D’autres m’ont dénigré en me faisant des sales coups, comme ne pas me communiquer des informations importantes (déplacement d’une séance notée…). Certains étaient aussi totalement désagréables avec moi, me parlant sur un ton condescendant, ce qui faisait que je les snobais comme eux me le faisaient. Et bizarrement, ils se sentaient outrés que je puisse agir comme eux… Va comprendre pourquoi…
À la fin de ma licence, j’avais pris une option où on n’était qu’une dizaine d’étudiants. Ces derniers m’ont tous caché qu’il y avait un dossier à rendre sauf une avec qui je m’entendais très bien. Elle m’a dit qu’on leur avait attribué un dossier depuis un mois et qu’il fallait le rendre à la fin de la semaine. Me concernant, j’ai pris contact avec un prof qui a été très sympathique avec moi, comprenant ma situation. Toutefois, je n’avais que 3 jours pour pouvoir le rendre… J’étais vraiment en stress. J’ai réussi à le rendre dans les temps. La semaine suivante, on avait une présentation orale devant tous les étudiants de l’option. Cela s’est bien passé. Les profs m’ont taclé en disant que je ne venais jamais en cours. Ils ont discuté entre eux relativement fort, sans pour autant que cela me soit adressé, en disant que mon dossier était le meilleur de la promo. J’ai senti des regards noirs dirigés vers moi… J’ai voulu me faire tout petit. J’ai pu entendre d’ailleurs un camarade chuchoter à un autre que cela l’énervait que j’aie les meilleures notes en n’allant jamais en cours.
Au passage, je ne comprends pas les profs de fac qui m’ont dénigré en s’écriant que les gens qui travaillent à côté ne doivent pas faire d’études car ils vont les rater… Comment peut-on juger quelqu’un sur sa situation financière ? De même, certains étaient vexés que je ne vienne jamais à leurs cours car je travaillais, ou bien que j’étudie par moi-même avec un bouquin ou Internet vu que je ne pouvais assister à leurs cours. J’aurais cru qu’on me complimenterait pour mon autonomie, mais non, c’était quelque chose qu’on me reprochait… Pas tous heureusement, car j’en impressionnais certains pour ma débrouillardise et mon comportement différent (plus responsable ?) que ceux de mes camarades.
Job étudiant :
Également, j’ai travaillé au Mcdo de Disneyland. C’est ici que j’ai pu comprendre que la méchanceté humaine était internationale. Mes chefs ne m’aimaient pas car j’étais trop lent, trop froid, trop tout. Ils me reprochaient tout et rien à la fois. Mais heureusement, un manager m’appréciait et voyait que je faisais du bon travail. Du coup, ce manager servait de tampon pour que je n’ai pas trop de problèmes avec la hiérarchie.
Concernant les clients (surtout les clientes), comme j’étais à cette époque encore très timide, j’avais du mal à regarder les gens dans les yeux et j’étais recroquevillé sur moi-même. Ma timidité se voyait, donc, certains clients, Français comme étrangers, n’hésitaient pas à se moquer ouvertement de moi. Ces personnes me balançaient l’argent sur le comptoir comme si j’étais un chien (je faisais donc pareil en retour, le client tirait alors la tronche en signalant que ce que je faisais était totalement impoli ! Le comble !), certains me traitaient de « merde » (j’ai eu droit à la version anglaise), certains me regardaient er riaient à gorge déployée en me disant à quel point j’étais moche (j’ai aussi eu droit à la version anglaise…). Pour tout vous dire, j’ai même assisté à des disputes entre couple à ma caisse. La plupart du temps, le mari ou le copain demandait à sa femme ou copine d’arrêter de se moquer de moi. Quel comportement pathétique !
Bref ! Cette expérience à McDo m’a clairement montré que les gens, qu’importe leurs origines, avaient besoin d’avoir le dessus sur les personnes qui ne savaient pas se défendre. Et que certains n’avaient aucune pitié ni d’empathie pour les autres.
Voilà ma petite histoire sur mon harcèlement scolaire.
Que sont devenus mes harceleurs ?
J’ai pu croiser quelques anciens harceleurs ou personnes moqueuses durant le début de ma vingtaine. En fait, je travaillais au supermarché, le seul de la ville où j’ai grandi. Il était donc facile de croiser une personne que je connaissais.
Je n’avais gardé aucune animosité à l’encontre des gens qui m’ont blessé car je m’étais dit que c’était des bêtises d’adolescents et qu’ils avaient peut-être changés. Mais que nenni ! J’ai vite compris que leur antipathie à mon égard était toujours aussi vivace. Quand mes anciens dénigreurs passaient devant ma caisse, instinctivement, il levait la tête en bombant le torse pour ensuite me désigner du menton avec un sourire dissymétrique en coin. C’était très rabaissant.
Une fois, deux garçons sont passés à ma caisse, ils ne m’ont pas salué. Ils m’ont dit d’emblée d’un air goguenard : « Toi, tu n’as pas fait d’études ». Je n’ai pas mal pris cette phrase car ils faisaient des projections erronées sur ma personne. Je suis resté poli tout le long de cette petite entrevue, mettant de côté leurs questions trop intimes, de ce fait, ils m’ont reproché de ne pas parler de ma vie privée.
J’ai également croisé dans le magasin, une fille qui passait son temps à se moquer de moi. En me voyant, elle a éclaté de rire jusqu’à ce que je disparaisse de son champ de vision. Les autres clients la regardaient, ne comprenant rien à ce qui se passait.
J’ai aussi pu croiser la meneuse du collège, celle qui voulait me faire vivre un enfer. Elle était passée à ma caisse en me faisant un joli sourire. Je voyais que ce n’était pas hypocrite de sa part. Toutefois, je suis resté placide, attendant qu’elle me dise au moins bonjour et si possible, qu’elle s’excuse pour tout ce qu’elle m’a fait. Voyant que mon visage restait fermé, elle s’est sentie gênée, n’osant plus me regarder. Elle a quitté ma caisse précipitamment, sans me dire au revoir. Avait-elle des remords ? Peut-être, mais je ne le saurai jamais. Dans tous les cas, c’était la seule du lot à ne pas avoir voulu m’écraser une fois devenue adulte.
Après le harcèlement scolaire…
C’est étrange de dire cela, mais le harcèlement scolaire m’a permis de me construire. Je ne serai d’ailleurs pas devenu l’homme que je suis actuellement sans ce pénible évènement. Je m’estime heureux de m’en être bien sorti à la fin, car certaines personnes n’ont pas eu cette chance. Malheureusement…
Je vais lister différents points que je pense avoir appris durant ou après le harcèlement scolaire que j’ai vécu. Je ne dis pas qu’il faille se faire harceler pour augmenter en « sagesse », mais pour moi, cela a été un accélérateur dans la construction de ma personnalité, comme si j’étais mieux armé à faire face aux aléas de la vie.
Être plus conscient :
À force de rester seul dans mon coin, il fallait bien s’occuper. J’ai donc passé mon temps à réfléchir sur des choses abstraites, en essayant d’élargir au maximum les différents points de vue qui peuvent exister pour un même sujet. Cette manière de penser m’a permis de mieux comprendre comment les gens fonctionnent psychologiquement sans pour autant cautionner leurs agissements.
De manière générale, je trouve que les gens sont en mode pilote automatique, comme s’ils ne réfléchissaient ni n’étaient responsables de leurs actes. J’ai l’impression que beaucoup suivent des préceptes et des dogmes sans aucun recul. Comme si critiquer leur propre mode de pensée mettait en péril la construction de leur identité.
Me concernant, j’arrive très souvent à expliquer pourquoi j’ai pris tel ou tel choix dans ma vie. Bien évidemment, en prenant une décision plutôt qu’une autre, je me ferme certaines portes. Et de cela, j’en suis conscient. Ce qui fait que je n’ai pas de gros regrets dans ma vie car je suis allé là où je voulais car j’ai bien réfléchi à l’orientation de ma vie. En fait, je m’étais toujours dit que je peux me permettre de faire tout ce que je veux tant que je respecte les autres, moi-même et mon environnement (matériel ou immatériel). Et je crois avoir toujours respecté à peu près ce principe.
Savoir m’entourer :
Je suis toujours aussi naïf qu’avant mais grâce à cet épisode de ma vie, j’arrive à déceler plutôt rapidement les gens ayant une mauvaise intention. Malgré cela, je n’ai pas d’aprioris sur les gens, ce qui fait que je ne me fie jamais à ma première impression (si j’en ai une).
Aussi, je sais distinguer le fond de la forme chez une personne. Beaucoup de personnes utilisent un faux-self pour briller en société. Mais cela ne marche pas vraiment avec moi car je mets de côté l’apparence et les preuves sociales de la personne. Ce qui m’intéresse, ce sont les valeurs morales et l’attitude qu’elle montre véritablement. On se rend compte très fréquemment que ce les gens disent n’est pas en accord avec leurs actes… J’ai d’ailleurs compris que les gens ont très souvent envie d’écraser les autres quand ils le peuvent, surtout quand ils ne se sentent pas bien psychologiquement.
Maintenant, je peux dire que l’entourage que j’ai créé autour de moi est sain. Enfin, c’est ce que je pense car je ne sais pas comment mes amis me trouvent ! Dans tous les cas, on se tire tous vers le haut. Il n’y a pas non plus de jalousie ni d’hypocrisie entre nous. Quand quelque chose ne va pas, on se confronte pour régler le problème. Et on est assez intelligents pour trouver calmement un point d’entente. On ne s’appelle que sporadiquement mais le lien est toujours là car il est très facilement entretenu.
Finalement, le harcèlement scolaire m’a permis de mieux comprendre les codes sociaux. J’arrive à laisser une bonne impression de moi-même aux gens, surtout au travail. Je le fais naturellement sans chercher à manipuler l’autre. Certains collègues étaient tristes voire pleuraient le jour de mon départ. On m’a très souvent dit que je faisais partie des « gens qu’on n’oublie pas ». L’empreinte que je laisse serait apparemment délicate et indélébile.
Une meilleure gestion émotionnelle :
Après le harcèlement scolaire et quand j’ai commencé à me sentir bien dans mes pompes, j’ai commencé à affirmer plus ma « différence ». Je ne pense ni n’agis comme les autres. Et je m’en fiche si cette différence dérange. Même maintenant, des gens se sentent rabaissés par ce que je suis (diplômes, expérience de vie, culture générale…). Au départ, je pensais que j’étais peut-être trop arrogant. J’ai analysé mon comportement et demandé l’avis à mes amis. Je me suis rendu compte que les gens qui me détestent ne s’estiment pas assez, c’est pour cela qu’ils rejetent ma différence. Ce qui m’amène à passer au point suivant.
« Le problème des autres reste aux autres ». C’est un mantra made in me que j’aime bien. J’ai développé de l’empathie grâce à ce qu’on m’a fait subir. Toutefois, je n’absorbe pas les émotions des autres car cela ne m’appartient pas. Je peux écouter, conseiller et aider. Mais je ne ferai pas le travail psychologique à la place de la personne car son problème n’est pas le mien, mais le sien. Donc, si une personne me déteste, c’est son problème mais pas le mien. Si une personne me colle une étiquette, c’est encore une fois son problème mais pas le mien.
En somme, j’adopte plutôt une posture de lâcher-prise pratiquement constamment. Je suis humain, j’ai donc des attentes. Mais je me suis vite rendu compte que je n’attendais pas grand-chose des gens… Ce qui fait que je suis très rarement déçu par le comportement de mes compatriotes. J’arrive à passer à autre chose très rapidement même dans les épreuves dites difficiles. Après la pluie vient le beau temps, n’est-ce pas ?
Aussi, j’ai appris à pardonner. Je ne ressens plus de haine ni de colère contre les gens qui m’ont fait du mal. Il fut un temps où je ressentais encore des émotions négatives. Mais tout cela s’est désormais envolé. Toutefois, il arrive que de mauvais souvenirs réapparaissent mais c’est très momentané. En fait, je pardonne plus pour moi que pour eux.
Maintenant, je me sens de plus en plus apaisé. Je suis calme. J’ai très peu d’émotions durables et de haute intensité (qu’elle soit positive ou négative). J’ai l’impression que tout glisse en moi, que rien ne m’atteint. Je me sens vraiment en paix avec moi-même. Je ne me sens pas l’envie de dénigrer les autres ou bien de m’encenser constamment. Je pensais que beaucoup de gens avaient trouvé cette paix intérieure mais j’ai constaté que non. Beaucoup sont stressés par le regard des autres, par les regrets, par le manque de sens dans leur vie et j’en passe… J’ai réalisé que j’étais plus stable psychologiquement que la moyenne des gens.
Faire les choses seules :
Étant un ancien souffre-douleur, je restais souvent seul dans la cour de récréation. Avant, c’était la honte. Mais adulte, je pense que c’est une grande force de pouvoir rester seul et de s’aimer soi-même. J’aime faire les choses seules comme voyager seul, manger seul, aller au musée seul… Je ne me suis jamais senti honteux d’être pratiquement toujours seul dans ma vie car c’est un choix conscient. Par ailleurs, je suis introverti et j’ai très peu besoin de contacts sociaux pour m’épanouir. Donc, je ne vais pas à l’encontre de ma nature en agissant ainsi.
Ce qu’il me reste encore à travailler :
Après toutes les remarques que je me suis prises au collège et au lycée, j’ai encore du mal à m’accepter physiquement. Je me trouve quelconque mais ça commence à aller mieux. Je me trouve de plus en plus beau, dans le sens où je m’accepte de plus en plus physiquement. Avant, j’évitais de me regarder dans le miroir, maintenant, je n’hésite pas à m’attarder sur mon reflet. Mais je n’y crois toujours pas quand on me trouve mignon. Pourtant, pas mal de personnes sont tombées amoureuses de moi, et je me fais draguer parfois par des hommes ou des femmes dans la rue, le métro, la salle de sport… Donc, je sais que le problème vient de moi.
J’ai du mal à accepter les compliments comme si je n’étais pas légitime à les recevoir. C’est vrai, durant mon harcèlement scolaire, j’étais une « merde » tous les jours. Mais je commence à changer peu à peu à ce sujet. Je remercie pour cela un étudiant qui m’a fait prendre conscience de la chose. Ce dernier m’a complimenté sur la « qualité de mon enseignement ». J’ai nié en bloc. Il a surenchéri en disant que c’était sincère, et que refuser ce compliment serait nier sa perception que lui et son groupe avait de moi. Il n’avait pas tort sur ce point… Comme quoi, on apprend toujours de ses étudiants…
Je n’aime pas non plus être le centre d’attention de manière positive (anniversaire, quand quelqu’un parle en bien de moi…). Comme si je me refusais à être important. Comme cela n’arrive que sporadiquement, il n’y a pas trop d’efforts à fournir.
Il y a encore tellement de choses à ajouter. Mais je ne m’étendrai pas là-dessus.
Bilan de mon harcèlement scolaire
Comment terminer cet article tellement personnel et bien long ? J’aurais aimé éviter d’être harcelé. Toutefois, sans cela, étrangement, je n’aurais pas autant de niaque pour mes projets car la vie est courte et j’ai envie de me réaliser. De plus, en me comparant à mes anciens camarades de classe, je me rends compte à quel point j’ai grandi en bien.
Si tu es victimes de harcèlement scolaire, n’hésite pas à demander de l’aide. Ne commets pas l’irréparable. Les gens qui te font du mal sont mal dans leur peau et peuvent même te jalouser. S’ils parlent de toi, c’est que tu as forcément des qualités qui dérangent. N’essaye pas de les changer car ils ne changeront probablement pas. J’espère que ce témoignage personnel t’aura aidé. C’est une étape très difficile à vivre, mais après, comme tu peux le lire, on peut resplendir.
Voici les sites qui pourront t’aider :
— Marion la main tendue
— Non au harcèlement
super article, bravo, très juste et touchant !
Bonjour
Cet article est en effet très juste et pourrait être utile à lire par de nombreux jeunes victimes de ces comportements.
Par ailleurs ce site est globalement d’une grande richesse, et l.auteur est très généreux ( je pense aux aides pour le brevet, mais aussi aux carnets de voyage au Japon notamment) ; vraiment dommage que les lecteurs ne viennent pas assez nombreux , pour l’instant en tout cas.
Merci et Bonne continuation ,
Bonjour bonjour,
Bravo à l’auteur de ce site et de cet article en particulier. Je trouve que même si le harcèlement est de plus en plus présent malheureusement, il n’est toujours pas assez pris en compte. Cela gâche la vie de centaines de jeunes et en particulier les collégiens.
En tout cas mille mercis à l’auteur de ce site et mercis pour les aides du brevet surtout en physique chimie car mon prof qui a tous les élèves de mon collège, a pris plus de la moitié de l’année a finir le programme de quatrième donc il n’a pas du tous fini le programme de troisième. Donc je dois tous bossée seule heureusement qu’il y a des super cours ici.
(Désolée pour les fautes d’orthographe)
Mercis encore pour ce site.
Bonne continuation. Tous pleins de bonnes ondes pour vous 😊
Bonjour,
Effectivement, le harcèlement scolaire est grandissant. Ce qui est vraiment inquiétant car cela ne s’arrangera certainement pas avec le temps…
Dans tous les cas, merci pour ce commentaire. Heureux de savoir que ce site ait pu servir pour les révisions. C’est la première fois que j’ai un commentaire venant directement d’un élève. Donc, cela fait du bien d’avoir un retour.
Bonne révision et bonne chance pour le brevet. Bon courage pour la suite !